Communiqué
Global

Déclaration de l’OIM sur le COVID-19 et la mobilité

20 mars 2020

Vue d’ensemble

• La flambée actuelle de COVID-19 est – avant tout – un problème sanitaire. Cependant, elle a aussi des incidences sans précédent sur la mobilité, tant en matière de régimes de gestion des frontières et des migrations qu’en ce qui concerne la situation de toutes les personnes migrantes, y compris celles qui sont déplacées par des conflits et des catastrophes.

• Plus de 14 000 membres du personnel de l’OIM s’efforcent de répondre à cette urgence de santé publique sur le plan de la mobilité. À cette fin, l’Organisation s’appuie sur son expérience dans des situations d’urgence antérieures – notamment la dernière flambée d’Ebola en République démocratique du Congo – et collabore étroitement avec l’Organisation mondiale de la Santé et d’autres organismes membres et partenaires du Réseau des Nations Unies sur la migration pour que les questions relatives à la santé des migrants soient prises en considération dans l’ensemble du système des Nations Unies.

• En sa qualité de membre du Comité permanent interorganisations (IASC), l’OIM apporte son concours à la préparation et la riposte du système humanitaire à la flambée de COVID-19 en contribuant à l’élaboration d’orientations et d’approches opérationnelles conjointes visant à limiter les incidences dans les situations de crise humanitaire. L’OIM collabore également avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour répondre aux besoins supplémentaires découlant de la pandémie de COVID-19 tout en poursuivant les opérations humanitaires et les programmes vitaux en cours qui répondent à des besoins préexistants à cette nouvelle situation d’urgence.

Le Plan stratégique mondial de préparation et de riposte de l’OIM, lancé le 20 février 2020 et révisé le 19 mars 2020, appelle un soutien financier mondial pour garantir la prise en considération des questions relatives aux migrants et à la mobilité dans les plans de préparation dans les pays prioritaires, notamment bon nombre des interventions exposées ci-dessous.

• L’OIM a conscience, cependant, que la pandémie actuelle aura de vastes incidences humanitaires et socioéconomiques à long terme. S’il est impossible, à l’heure actuelle, de prendre la pleine mesure des conséquences économiques et politiques de cette crise, il faut avoir à l’esprit les importants changements économiques que connaîtront les sociétés, ainsi que les incidences plus profondes qui menacent pour les diverses populations mobiles auprès desquelles l’Organisation intervient.

• À court terme, dans les pays les plus durement touchés, les migrants sont exposés en grande partie aux mêmes vulnérabilités que le reste de la population, mais souvent dans une plus large mesure. Les ressortissants étrangers ont plus de probabilité d’habiter un logement surpeuplé, de travailler sous un contrat à court terme ou d’occuper un emploi précaire autorisant des congés maladie limités. D’autres migrants, qu’ils aient un statut régulier ou irrégulier, peuvent avoir un accès limité aux services de santé publique ou craindre d’y recourir. Ils peuvent aussi être exclus des programmes d’information de santé publique ou, lorsqu’ils sont informés, ne pas disposer des moyens financiers leur permettant de faire face à des périodes d’auto-isolement ou de quarantaine.

• Dans le monde entier, dans les pays moins touchés, les populations déplacées qui se trouvent dans des camps ou dans des lieux assimilables à des camps sont déjà particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses, dans des conditions favorisant la propagation de virus. Les populations prises dans un conflit peuvent compter parmi les plus difficiles à atteindre et à surveiller, alors même qu’elles sont les moins armées à se protéger contre les infections.

• Des efforts de soutien à tous les groupes vulnérables, y compris les migrants, doivent être sérieusement pris en considération pour éviter des conséquences néfastes, limiter les préjudices et réduire les risques de santé publique. Notre action visant à garantir la sûreté des communautés doit préserver les droits de l’homme fondamentaux de tous.

• Ci-après sont exposées les principales préoccupations et interventions, y compris les mesures que l’OIM a prises avec un certain nombre de gouvernements pour faire en sorte que les migrants, et toutes les personnes mobiles, soient prises en compte dans la planification et la riposte face au COVID-19.

Que pouvons-nous faire ?

• L’intervention stratégique de l’OIM vise à atteindre les personnes vulnérables et à renforcer les capacités opérationnelles afin de prendre en main les aspects de cette pandémie relatifs à la mobilité, notamment par les mesures suivantes :

o Activités de communication sur les risques et de mobilisation des communautés, en recourant aux réseaux communautaires, pour faire en sorte que les informations de santé publique soient communiquées de manière accessible et culturellement appropriée aux plus vulnérables, y compris les migrants, quel que soit leur statut. Ces activités ont été mises en place dans un certain nombre de pays, notamment l’Afghanistan, le Bangladesh, la Grèce et le Yémen. En Grèce continentale, l’OIM a assuré des sessions d’information dans des camps de migrants, traduit les informations fournies par le Gouvernement et distribué du matériel supplémentaire.

o Coordination transfrontalière et renforcement des capacités pour renforcer la surveillance sanitaire aux points d’entrée et de sortie (aéroports, ports maritimes et points de contrôle terrestres) dans des dizaines d’États, y compris aux frontières de l’Afghanistan avec le Pakistan et l’Iran. L’OIM fournit quotidiennement un aperçu des restrictions à la mobilité dans le monde (« Global Mobility Restriction Overview »), ainsi qu’une cartographie des restrictions à l’échelle des pays (« Country-Level Restriction Mapping »), qui exposent les nouvelles mesures complexes de restriction des voyages pour aider les collègues dans toute l’Organisation.

o Coordination en situation de crise pour faciliter l’échange d’informations entre les parties prenantes. Dans certains pays européens tels que la Grèce, Malte et la Norvège, l’OIM est en contact étroit et régulier avec des interlocuteurs gouvernementaux pour coordonner les étapes suivantes. En Belgique, l’OIM a mis en place une équipe de gestion de crise avec le Gouvernement pour faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte.

o Formations pour employés gouvernementaux. Par le passé, l’OIM a organisé des formations sur les procédures opérationnelles permanentes aux points d’entrée en situation d’urgence sanitaire dans le contexte de la riposte à l’Ebola en Guinée, en République démocratique du Congo et au Sénégal. Ces formations peuvent être développées pour répondre aux besoins opérationnels face au COVID-19 et peuvent être dispensées en ligne.

o Exercices de cartographie de la mobilité de la population pour anticiper les besoins et définir les mesures prioritaires en stratifiant les informations relatives aux restrictions de voyage, à la situation aux points d’entrée, aux compagnies aériennes et au statut des migrants en détresse, en collaboration avec l’OMS. Ces exercices ont été entrepris dans plusieurs pays, y compris la Mongolie, l’Iraq, l’Afghanistan, le Rwanda et la Tanzanie. Il est important que les gouvernements et les équipes d’intervention de première ligne aient une bonne compréhension des mouvements de population et des dynamiques de mobilité pour que les groupes vulnérables puissent être atteints rapidement.

o Surveillance renforcée et services WASH aux points d’entrée. L’OIM prend des mesures renforcées à grande échelle en matière d’hygiène et d’accès à l’eau dans toutes ses opérations, afin de minimiser le risque de contagion. Dans d’autres lieux, et partout en Asie, les migrants à destination des États-Unis qui subissent un examen de santé dans des centres de l’OIM reçoivent des informations, du désinfectant pour les mains et des mouchoirs.

• Dans toutes les activités de l’OIM, la priorité est donnée à la prise en compte de questions relatives à la protection dans la riposte au COVID-19 afin de garantir que nos efforts soient inclusifs et centrés sur les personnes et ne nuisent pas aux populations auxquelles nous portons assistance. Cette approche est fondée sur la connaissance de l’accès aux services et aux informations et des obstacles à cet accès pour différents groupes, y compris les personnes handicapées, les personnes âgées, les ménages dirigés par une femme et les enfants non accompagnés et séparés de leur famille, et tient compte des questions de sexospécificité.

• Étant donné les incidences de la pandémie sur les opérations quotidiennes de l’OIM, notamment le nombre croissant de restrictions de voyage, une évaluation approfondie est réalisée pour garantir la sûreté constante du personnel, des partenaires et de tous les bénéficiaires de l’Organisation. Jusqu’à présent, les mesures suivantes ont été prises :

o Suspension temporaire des programmes de réinstallation de l’OIM, en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). La réinstallation reste cependant un outil d’importance vitale pour de nombreux réfugiés. L’OIM et le HCR collaborent avec les États pour faire en sorte que les mouvements puissent se poursuivre dans les situations d’urgence les plus critiques, dans la mesure du possible.

o Réduction et/ou suspension de certains programmes d’évaluation de la santé des migrants, de programmes de demande de visas, et réduction opérationnelle de programmes de regroupement familial et de visas humanitaires. Lorsque les opérations se poursuivent, l’OIM a adopté un certain nombre de mesures de précaution, notamment l’élaboration de procédures opérationnelles permanentes spécifiques pour le COVID-19, des services d’éducation à la santé et de conseils sanitaires à l’intention des migrants et un renforcement des contrôles avant l’embarquement.

o Conseils en ligne aux migrants et sessions de formation en ligne à l’intention des associations de migrants. Dans de nombreux pays européens, l’OIM a mis en place des systèmes de communication à distance pour informer les migrants, en particulier ceux qui souhaitent rentrer au pays, sur la situation générale et les restrictions de mouvements actuelles.

• Malgré ces changements programmatiques, l’OIM suit de près l’évolution de la situation sur le terrain et demeure résolue à assurer la sûreté, le bien-être et la protection de toutes les populations touchées, quel que soit leur statut migratoire, ainsi que du personnel, et à s’acquitter de ses obligations envers les États Membres et les partenaires. Bien que ces programmes soient actuellement réduits, l’OIM reste pleinement apte et prête à reprendre ses opérations dès que la situation le permettra.

• De nombreux gouvernements devront faire des choix dans les prochains jours concernant l’éventuelle suspension de programmes d’immigration et d’asile – y compris le traitement des visas et l’enregistrement des demandes d’asile, ainsi que des services tels que le retour volontaire. L’OIM souligne la nécessité de veiller à ce que ces choix ne marginalisent pas davantage les groupes mobiles vulnérables, y compris les personnes âgées, les personnes handicapées ou les enfants, et de garantir que les services de soutien essentiels restent disponibles malgré les restrictions. Nous sommes prêts à conseiller et à aider les gouvernements face à ces décisions, en particulier pour soutenir au mieux les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, y compris dans les situations de crise humanitaire.

• Tous les migrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, y compris ceux qui sont victimes d’exploitation, doivent avoir accès aux informations, aux tests, aux traitements et aux soins de santé, afin que les équipes d’intervention puissent les inclure dans la recherche de contacts et les interventions communautaires. L’OIM souligne la nécessité de garantir l’accessibilité pour tous grâce à la traduction et au moyen de recommandations et de modalités de traitement culturellement appropriées. L’expérience montre qu’il est essentiel d’offrir aux communautés touchées un soutien psychosocial et en matière de santé mentale, qui peut être relié aux systèmes existants de protection et de services sociaux.

• Conformément au Règlement sanitaire international et aux recommandations du Comité d’urgence de l’OMS, l’OIM reste préoccupée par la diffusion de fausses informations et par les discours stigmatisants propres à dissuader les personnes de déclarer leurs symptômes
ou à empêcher la recherche des contacts, ce qui peut entraver la fourniture de soins adéquats et faire échouer les efforts visant à réduire la transmission. Toutes les autorités doivent tout mettre en oeuvre pour lutter contre la xénophobie fondée sur l’origine et la propagation de la pandémie.

Perspectives

• La crise actuelle aura des répercussions pendant bien des mois, voire des années. L’entière mesure de ses incidences sociales et économiques pour les sociétés les plus touchées ne peut pas encore être prise. Il sera nécessaire de veiller à ce que les interventions à long terme tiennent pleinement compte de la situation des plus vulnérables, notamment des migrants et des réfugiés.

• Cette pandémie appelle une nouvelle fois notre attention sur la nécessité de tenir compte des dimensions relatives à la mobilité humaine dans les stratégies de sécurité sanitaire mondiale et de santé publique, selon une approche associant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société. Cet aspect sera essentiel pour limiter les incidences de la pandémie par des mesures urgentes et énergiques, et renforcer les futurs plans de préparation.

• L’OIM réaffirme la nécessité d’adopter des approches soucieuses des migrants dans la riposte globale au COVID-19 et appelle les pays à tenir compte des vulnérabilités et besoins particuliers des migrants, quel que soit leur statut juridique, dans l’esprit de la couverture sanitaire universelle. La lutte contre le COVID-19 ne peut être gagnée que si tous les pays intègrent les migrants dans leurs plans de réponse, en particulier les migrants marginalisés ou en situation de vulnérabilité.

• Collectivement, nous devons obéir à l’impératif humanitaire et poursuivre les opérations vitales en cours, tout en adhérant au principe consistant à « ne pas nuire » et en honorant notre devoir de protection à l’égard du personnel. L’OIM est résolument déterminée à ne pas accroître la vulnérabilité en laissant des besoins humanitaires sans réponse, en particulier dans les situations existantes de crise complexe et dans les États fragiles où le système de santé est faible et où la population touchée sera confrontée à des risques accrus.

• En considération des incidences à long terme, l’OIM continuera d’étudier de nouvelles possibilités de partenariats et de pratiques professionnelles pouvant permettre à l’Organisation d’atténuer les effets des mesures prises – aujourd’hui et demain – pour réduire la propagation du COVID-19.

• Enfin, et surtout, nous devons rester vigilants face à la stigmatisation de tout groupe particulier durant cette crise, y compris les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, ainsi que le souligne la déclaration du Réseau des Nations Unies sur la migration. Cet aspect revêt une importance toute particulière étant donné la durée et les incidences incertaines de cette crise. La distanciation sociale ne doit pas être au prix de la cohésion sociale à long terme.

SDG 3 - BONNE SANTÉ ET BIEN-ÊTRE
SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES